Prix Coup de cœur de l’AFPEAH (Pénélope 2024)

Prix Coup de cœur de l’AFPEAH (Pénélope 2024)

Après les mythes d’Orphée, du Minotaure, de Prométhée, de Circé et de Narcisse c’est la figure de Pénélope associée à L’Odyssée d’Homère qui a été choisie cette année pour la 6ème édition du Prix de l’APEAH. Nous nous sommes réjouis de constater que comme dans les éditions précédentes les jeunes participants sont issus d’horizons géographiques et culturels divers, de Paris et de province, de France, mais aussi de l’étranger… tout comme les quelques 500 élèves de collège et de lycée qui ont lu, relu, analysé et étudié les réécritures avant de voter et d’élire leurs préférées, leurs « coups de cœur », sous la houlette d’enseignants particulièrement investis et toujours aussi enthousiastes au fil des Prix Coup de cœur qui se succèdent ; merci à tous ces professeurs engagés dans notre association pour la promotion d’un enseignement ambitieux et humaniste de faire vivre et perdurer ce prix ! 

Une bonne centaine de lycéens et plusieurs centaines de collégiens ont donc participé. Les lycéens ont attribué en tout 518 points aux trois lauréats sur un total 808 points tandis que les collégiens ont accordé 1969 points au tiercé gagnant sur un total de 3747 points.

Ainsi la nouvelle intitulée « Sans lui » a obtenu les faveurs des collégiens qui l’ont hissée sur la troisième marche du podium avec un total de 449 points. Non seulement Pénélope est bien celle qui comme l’indique l’étymologie grecque Pénélopè « déchire la toile » mais elle apparaît reine toute puissante, « Anassa », puisque c’est le temps lui-même qu’elle défait tout en détissant sa toile dont la trame dit l’absence et la peine, donnant son sens au titre : les couleurs froides du gris du ciel et du lac et celle du peuplier « vert d’eau » se répondent dans ce tableau en hommage à Ulysse sur lequel un seul cygne figure, symbole d’une solitude si inconcevable que Pénélope finira par l’exorciser…      
En deuxième position c’est la réécriture contemporaine aux péripéties rocambolesques de « Pénélope, la Parisienne » qui a emporté les suffrages pour un total de 756 points. Les traditionnelles rivales des matchs de foot Paris et Marseille ont remplacé Ithaque et Troie ; c’est à la Tour Eiffel qu’Ulysse mis à l’épreuve achève de gagner le cœur de sa belle puisqu’il prouve sa ruse en prenant l’ascenseur, laissant loin derrière lui les prétendants montés par les escaliers. Parti à la guerre à Marseille durant de longues années, il laisse sa femme et leur fils seuls mais pas esseulés : Pénélope aux mille ruses parvient à truquer toutes les épreuves auxquelles sont soumis les prétendants revenus pour la conquérir… Par un renversement plaisant, c’est Pénélope et Télémaque qui vont rechercher Ulysse dans une Marseille envahie d’eau et de déchets à la fin de la guerre, Pénélope se déguisant en vieille femme avant de retrouver son mari dans les entrailles d’un monstre marin. Evidemment tous deux se sortiront de ce mauvais pas et Pénélope sera plus parisienne que jamais, désormais propriétaire de la Tour Eiffel, cadeau de son époux amoureux et reconnaissant.

  C’est finalement la nouvelle « Le stratagème inversé », écrite par les élèves de quatrième Samuel Matuchansky et Oren Chriqui qui a été plébiscitée pour la première place à seulement 8 points d’écart avec la précédente puisque cette nouvelle obtient un total de 764 points. Même si elle voit les autres femmes célébrer les unes après les autres le retour de leurs maris enfin revenus du combat, même si son époux ne rentre pas, même si elle est en proie au doute qui met à l’épreuve sa fidélité, Pénélope garde confiance au point de prendre son destin en main en partant elle-même à la recherche de son mari retenu prisonnier. Refusant de se laisser aller au défaitisme et à la résignation, elle finira par le délivrer grâce à une ruse, « un stratagème inversé » : ce n’est pas un cyclope qu’elle trompe mais des gardes tout aussi menaçants grâce au nom de « Personne » qu’elle reprend avec succès.

Les lycéens quant à eux ont élu à la troisième place « Pénélope ou les mailles du temps » avec un total de 131 points. Empêtrée dans les mailles de ce linceul qu’elle tisse et détisse et qui se confond avec ce temps inexorable de l’attente sans cesse renouvelée Pénélope est finalement démasquée par Doréla la servante, « rejetonne de Tromperie ». Mais celle qui est résolue à « demeure[r] Reine » entre « dans une rage folle » et sa révolte légitime fait d’elle une Gorgone pétrifiant ses oppresseurs, forte du pouvoir que lui confèrent son refus de capituler et sa foi inébranlable dans le retour de son époux.

                                                                                                                                                

Dans la nouvelle « Le dernier acte de l’humanité », deuxième avec 174 points, Ulysse erre dans un monde apocalyptique où tout n’est que destruction. Seule une Pénélope fantomatique chante sa détresse de voir Ulysse et Télémaque désormais barbares et étrangers, déshumanisés par la guerre. Et ce sont toutes les guerres de tous les temps qui défilent devant les yeux d’Ulysse, contraint de donner à une nature devenue prédatrice au point d’enfanter des monstres sa dernière parcelle d’humanité, croyant ainsi sauver sa fille, « la seule chose encore pure en ce bas monde »… 

                                                                              Le premier prix revient sans conteste aux « Lettres à un exilé » de l’élève de seconde du lycée Paul Rey à Ney (64)Clara Godard qui totalisent le très beau score de 213 points. Ces missives poignantes lancées à l’immensité ionienne sont autant de cris qui exaltent l’âme authentique de Pénélope, celle qui en toute lucidité revendique le droit d’être elle-même dans les fluctuations de son amour pour Ulysse, dans sa réticence et son désir d’épanchement, dans sa volonté de régner, d’aimer et de s’affirmer en toute indépendance… Une Pénélope en somme résolument moderne !



Synthèse rédigée par Nathalie Cullell

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