La lecture est un long processus qui commence bien avant l’école dans les premières relations d’intersubjectivité et se poursuit par la lecture d’albums avec les très jeunes enfants. La complexité de ce processus est en lien avec le rapport que chaque individu entretient avec autrui, avec soi-même et avec le monde.

La relation qui s’établit alors entre le texte et l’image est fondamentale pour un enfant : elle le rend actif, elle le conduit à interpréter, décrypter, formuler des hypothèses… à LIRE donc, avant même qu’il ne sache déchiffrer un texte.

Nous vous recommandons l’article essentiel de Joëlle Turin, « Les premiers cheminements vers la littérature »

« Toute personne est à son insu sans cesse en train de lire trois livres : le livre de l’intersubjectivité, le livre du monde et son livre interne. Les livres que nous pouvons prendre entre nos mains ne sont finalement que des échos du livre que nous portons en nous. Il faut forcément ressusciter le premier pour pouvoir entrer ou faire entrer un lecteur dans le second. D’une certaine manière, la lecture d’un texte écrit par un auteur n’est rien d’autre que la lecture qu’il a faite lui-même de son livre psychique. Cette lecture met à son tour le nôtre en mouvement. »
« Lire des livres à haute voix avec des enfants, c’est leur permettre de découvrir que les textes et les images sont aussi des choses qui donnent des informations, qui ont un sens, une multitude de sens. Le tout petit interprète le visage de l’adulte qui parle (sa bouche, ses mimiques), ses gestes, les sons et les mots. Très tôt et grâce à cette médiation, il sait que les signes ont une signification et il commence à émettre des hypothèses. Autrement dit, il lit et élabore un sens qui n’appartient qu’à lui. Nourrie, respectée et encouragée, cette petite activité psychique, reprise conforme de ce qui s’est passé au début avec la langue strictement orale, contribue à rendre agréable à l’enfant son activité de pensée, le prépare à une activité langagière qui le posera comme sujet de son propre langage et non seulement comme rapporteur du discours des autres. La joie éprouvée à la découverte du sens lui permet de devenir lecteur par la suite.

L’album, livre à part entière, pensé dans tous les détails, de la conception à la réalisation, donne tout à lire. Aussi bien l’histoire qu’il véhicule, que son format, sa mise en pages, le choix des caractères, et bien sûr le texte et l’image. Tout fait donc sens et invite le jeune enfant à se faire questionneur d’écrit et d’image, à rechercher des indices et des repères, à entrer dans un système de signes, de conventions, de symboles et d’en déduire un sens. »

https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2010-1-page-93.htm

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