Réécritures indigentes

Réécritures indigentes

S’intéressant à la réécriture des Club des cinq d’Enid Blyton (passage du passé au présent, remplacement du « nous » par « on », modification de certains titres…), Jean-Michel Delacomptée (Notre Langue française, Fayard, 2018, 125) met en évidence l’érosion des descriptions dans les versions les plus récentes.

Il cite, par exemple, le passage suivant  qu’il compare à sa version de 2006 :

Édition de 1955 :

« Puis, ce fut le matin du départ. Dans une atmosphère de bruyante allégresse, les élèves de Clairbois achevèrent de boucler et d’étiqueter leurs valises. On attendit ensuite l’arrivée des autocars qui devaient transporter les pensionnaires et leurs bagages à la gare. Les minutes semblaient interminables. Enfin, les lourds véhicules franchirent les grilles du parc et vinrent s’arrêter devant le perron de la pension. Ils furent pris d’assaut en quelques instants par les jeunes voyageuses impatientes. »

Édition de 2006 :

« Arrive le matin du départ. Dans un brouhaha incessant, les élèves de Clairbois achèvent de boucler leurs valises avant de se précipiter dans les cars qui les emmèneront à la gare. »

Édition de 2026 ?

Pour gagner du temps, (car le temps, c’est de l’argent), l’Afpeah vous propose la version 2026 du texte en question :

« Les vlà à la gare. »

www.pepeeillustraticescolaire.com

Les parents et les enseignants ne peuvent que déplorer une telle érosion des textes et des exigences. De fait, si on pousse cette logique à son terme, l’on ne gardera plus des récits que leur ossature factuelle.

En procédant ainsi, non seulement on enlève aux textes toute leur substance, mais, en plus, on empêche les élèves d’acquérir du vocabulaire, on les prive du plaisir de la lecture, de l’accès à la dimension esthétique de la langue.

On rend même la lecture impossible tant la description importe dans la mise en oeuvre du travail de l’imaginaire chez les élèves, surtout au collège lorsqu’ils sont assez grands pour être confrontés à des livres ne présentant plus les supports iconographiques auxquels les albums et les BD les avaient habitués.

T. D.

Nous vous recommandons la lecture de l’essai de Jean-Michel Delacomptée https://www.fayard.fr/notre-langue-francaise-9782213705194

« Je suis en retard. Un professeur au pays des merveilles » a évoqué les réécritures du Club des Cinq sur son blog en 2011 , dans un article intitulé « Le Club des Cinq et la baisse de niveau » 
http://celeblog.over-blog.com/article-le-club-des-5-et-la-baisse-du-niveau-85677083.html

Nous remercions Pepe illustratrice scolaire de nous avoir autorisés à utiliser son dessin d’arrête de poisson https://pepeeillustratricesolaire.com/

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