La Rivière à l’envers

La Rivière à l’envers

L’histoire que voici se passe en un temps où l’on n’avait pas encore inventé le confort moderne. Les jeux télévisés n’existaient pas, ni les voitures avec airbags, ni les magasins à grande surface. On ne connaissait même pas les téléphones portables ! Mais il y avait déjà les arcs-en-ciel après la pluie, la confiture d’abricot avec des amandes dedans, les bains de minuit improvisés, enfin toutes ces choses qu’on continue à apprécier de nos jours. Il y avait aussi, hélas, les chagrins d’amour et le rhume des foins, contre lesquels on n’a toujours rien trouvé de vraiment efficace.

Bref, c’était … autrefois.

Jean-Claude Mourlevat, La Rivière à l’envers.

Tout commence dans la petite épicerie où Tomek vend des élastiques à chapeau, des images de kangourou, du sable du désert, orange et encore chaud, des coquillages rares et des graines de séquoia… On trouve tout dans cette petite boutique, tout… sauf de l’eau de la Rivière Qjar dont Hannah a tant besoin pour sauver sa passerine.  

Dès que surgit le manque, naît le désir. Tomek se lance alors dans des aventures exaltantes pour retrouver celle qu’il aime et l’aider dans sa quête initiatique : celle qui consiste à conjurer la mort en tentant d’atteindre la Rivière Qjar. Parce que ce cours d’eau magique coule à l’envers, il offre l’immortalité à celui qui saura puiser une goutte à sa source. Les prouesses du héros nous convient à découvrir des univers fantastiques, où résonne l’écho des plus grands récits. Les souvenirs s’évanouissent dans la forêt de l’oubli qui guide Tomek sur les traces d’Alice au pays des Merveilles.

« Ce doit être le bois, se dit-elle pensivement, où les choses et les êtres vivants n’ont pas de nom. Je me demande ce qui va arriver à mon nom, à moi, lorsque j’y serai entrée… », Lewis Carroll.

Dans son odyssée, le protagoniste doit encore traverser une prairie bigarrée aux parfums de lotus, s’échapper d’une île inexistante peuplée de sirènes envoûtantes pour atteindre enfin une montagne sacrée au sommet de laquelle les arbres soupirent.

Face aux poisons des fleurs-voiles ou aux devinettes de l’affreuse sorcière, seuls les mots ont le pouvoir de délivrer le héros des pires écueils, comme une délicieuse mise en abyme d’une écriture magistrale capable de nous extraire du réel pour nous éveiller à plus de sensibilité, de tendresse, d’émerveillement et de féérie. Des énigmes œdipiennes aux espoirs prométhéens inassouvis, ce roman propose aux enfants un voyage captivant. L’auteur virtuose entraîne aussi les plus grands dans l’exploration d’un imaginaire foisonnant à travers l’univers des contes. Si ce voyage nous exhorte à accepter la fuite de temps, il s’apparente paradoxalement à une véritable cure de jouvence que seule peut procurer la lecture d’un ouvrage de littérature jeunesse voué à devenir un grand classique.

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Le roman de Jean-Claude Mourlevat a été récompensé par le Prix des Incorruptibles – 2002.

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Recommandation de Claudine Foury

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