Lire à l’université (USA)
Des problèmes de compréhension
Les étudiants sont nombreux à être mis en difficulté en raison de leurs lacunes en matière de compréhension. Un vocabulaire plus restreint et une maîtrise de la syntaxe plus approximative les pénalisent selon Anthony Grafton, historien à Princeton. Même s’il y a toujours des étudiants qui « lisent avec perspicacité et facilité et écrivent magnifiquement […] ils sont désormais plus nombreux à faire exception ».
Parmi les problèmes, il paraît manifeste que les étudiants ne persévèrent pas lorsqu’ils sont confrontés à des idées qu’ils ne comprennent pas. Un grand nombre d’entre eux peinent à rester concentrés y compris lorsqu’ils doivent lire un simple sonnet. En fait, les troubles attentionnels qui nuisent à la lecture attentive d’un texte, même s’il s’agit d’un simple sonnet, s’expliquent par la fragmentation du temps de concentration lié au temps passé sur les smartphones et aux formats courts proposés par certains réseaux sociaux (TikTok ou Instagram notamment).
Proposer d’autres formats : extraits, nouvelles ou récits brefs
Pour lutter contre ces problèmes de concentration et les lacunes des élèves, les enseignants expliquent que les extraits remplacent peu à peu les études d’oeuvres intégrales dans les écoles et les universités. « Les étudiants les plus performants des écoles exclusives comme Columbia peuvent déchiffrer des mots et des phrases. Mais ils ont du mal à maintenir leur attention et n’ont pas l’ambition nécessaire pour s’immerger dans un texte substantiel.» Les professeurs proposent donc désormais volontiers des formats courts à leurs étudiants. Ainsi, Andrew Delbanco, professeur d’études américaines à Columbia, a conçu un séminaire portant sur des œuvres courtes en prose au lieu d’un cours général sur la littérature. Si son cours consacré à Melville incluait autrefois Moby Dick, il se contente maintenant d’étudier un roman inachevé, Billy Budd, Marin, Benito Cereno et Bartleby. L’universitaire défend ce choix en précisant qu’il lui permet de cerner avec plus d’acuité les subtilités de la langue. Il convient selon lui de « s’adapter à l’époque ».
De l’importance de l’empathie
La lecture, on le sait, permet de développer l’empathie, en conduisant le lecteur à s’identifier aux personnages évoqués dans le récit lu, y compris lorsque le personnage est très différent de lui, y compris lorsqu’il vit dans un espace temps très différent du sien, ou dans un autre contexte sociologique. Ce phénomène d’empathie a permis de comprendre des gens et des modes de vie différents et a donc engendré certains progrès sociaux et politiques. La lecture élargit par conséquent les sympathies et en cela, elle joue un rôle fondamental. Mais cette identification salutaire suppose de suivre tout le parcours d’un personnage et non de le suivre sur quelques paragraphes ou pages seulement.
De plus et c’est un cercle vicieux, les élèves de collège et de lycée ont lu moins de livres en classe, en particulier parce que depuis plus de vingt ans, certaines initiatives éducatives telles que « No Child Left Behind » et « Common Core » ont mis en avant des textes informatifs au détriment des textes littéraires.
Esprit critique et introspection
Enfin, selon « la neuroscientifique Maryanne Wolf, la lecture approfondie, c’est-à-dire l’immersion prolongée dans un texte, stimule un certain nombre d’habitudes mentales précieuses, notamment la pensée critique et l’introspection, d’une manière qu’une lecture rapide ou menée sur de courtes périodes ne permet pas ».
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Ce texte est une synthèse de l’article de Rose Horowitch. Les problèmes décrits trouvent malheureusement un écho dans nos pratiques [N’hésitez pas à réagir pour témoigner de votre expérience en la matière]:
Rose Horowitch, « THE ELITE COLLEGE STUDENTS WHO CAN’T READ BOOKS. To read a book in college, it helps to have read a book in high school »
Les passages entre guillemets sont directement extraits de l’article en question.